L'artiste béninois Youss Atacora exposé à la galerie Robert Vallois

S’il est aujourd’hui considéré comme l’un des artistes les plus prometteurs du Bénin, la destinée de Youss Atacora aurait pu, aurait dû, être toute autre. Né en 1988 dans le nord-ouest du pays, à Djougou – la troisième ville la plus peuplée du Bénin – il porte sur son visage les scarifications qui attestent de son appartenance à la lignée royale des Atakora, l’une des trois dynasties princières de l’ancien Royaume de Djougou, fondé au XVe siècle.

Dès l’enfance, il dessine. Bien plus qu’une simple passion, c’est une vocation profonde qui s’impose à lui. Pourtant, ses parents, soucieux de lui assurer un avenir stable, voient en l’art une voie incertaine, loin d’un « métier sérieux ». Mais pour Youss, créer est une nécessité, une évidence à laquelle il ne saurait renoncer. Conscient que Djougou ne lui offre pas les conditions propices à l’épanouissement de son talent, il quitte sa ville natale à vingt-cinq ans pour rejoindre Cotonou, la capitale économique du pays et véritable cœur battant de la scène artistique béninoise. Ce périple de près de 500 kilomètres marque le début d’un parcours semé d’embûches, mais aussi d’une détermination sans faille.

Arrivé à Cotonou sans argent ni contacts, il vit dans la rue. Un marchand, touché par sa ténacité, lui permet de s’installer devant sa boutique. C’est là qu’il commence à réaliser des croquis et à vendre ses dessins aux touristes pour quelques pièces. Avec le peu qu’il gagne, il s’achète du matériel et parvient à louer une modeste chambre chez l’habitant. Pourtant, au lieu d’y habiter, il la transforme en atelier : un espace dédié à ce qu’il appelle son « vrai art ». Plus tard, il confiera : « Je n’avais pas de toit au-dessus de la tête, mais mon art, lui, en avait un. » Car si, pour survivre, il réalise des dessins qui plaisent au grand public – scènes de la vie quotidienne, représentations animalières –, son univers artistique personnel se déploie dans une toute autre dimension. Il y explore les racines profondes de son pays, plonge dans l’histoire et la spiritualité béninoises, et célèbre les figures héroïques du continent africain. Dès ses premières œuvres, une signature singulière apparaît : la présence récurrente d’une araignée, tissée dans ses toiles comme un fil conducteur. Pour lui, cet animal symbolise les liens invisibles qui relient les êtres humains, ainsi que le dialogue ininterrompu entre passé et présent.

L’exposition Les Profondeurs du Temps illustre à merveille cette quête de mémoire et de transmission. Trois de ses œuvres ont ainsi été présentées dans la prestigieuse exposition Révélation ! Art contemporain du Bénin à la Conciergerie de Paris. Près de 200 000 visiteurs ont pu y découvrir l’originalité et la puissance de son travail, témoignant de son ascension fulgurante sur la scène artistique internationale. Bien qu’ayant précédemment exposé au Bénin, en Allemagne, au Congo-Brazzaville, au Ghana et au Burkina Faso, Les Profondeurs du Temps est sa première exposition monographique en France. Une reconnaissance qui consacre son talent et son engagement à faire résonner, à travers l’art, les échos du temps et de l’histoire.